Au sujet du Monde Diplo’

Cet article du blog Luftmenschen répond à celui de Frédéric Lordon (économiste français, collaborateur du Monde Diplomatique) au sujet du conspirationnisme, intitulé «Conspirationnisme, la paille et la poutre ». Il a le mérite de remettre les points sur les i face à une gauche bourgeoise paternaliste se rendant compte un peu tard de ses conneries. Nous en publions ici un extrait particulièrement pertinent, l’article dans son intégralité est disponible en lien.

Dis moi qui tu dénonces, je te dirai qui tu veux épargner, pourrait être la base de l’analyse critique du conspirationnisme.

On peut d’ailleurs très facilement le faire avec votre texte [ndlr: l’article est adressé à Frédéric Lordon] en prenant les institutions , les personnes et les idéologies que vous désignez comme complotant contre le bien-être des « peuples ».

Vous parlez des banques américaines, des institutions européennes, des politiciens libéraux, des institutions et des organisations supranationales. Vous évoquez comme résultat de leurs intrigues soit des textes européens , soit des lois françaises comme la loi de 73 qui ont effectivement transféré une part de la souveraineté des Etats bourgeois .

Par contre, il n’y a rien sur le MEDEF, rien sur les politiciens nationalistes et les politiques protectionnistes toujours favorables aux patrons du cru et désastreuses pour les salariés et l’ensemble de la population. Avec vous, le mal vient toujours de l’étranger, le capitalisme est mauvais seulement quand il est internationalisé et financier.

A parcourir les articles de votre blog, on n’entend parler que de cela : la finance, la finance, la finance, l’Europe, la finance, la finance, la finance.

Et de nous abreuver de mécanismes complexes, de stratégies multiples orchestrées à Bruxelles et Washington et relayées naturellement par nos « politiciens néo-libéraux », simples valets des « spéculateurs » .

Oh sans doute avez-vous raison, on ne nous dit pas tout sur les complexes calculs capitalistes . Et après ?

Oui, et après ? Ce que l’on sait, ce que l’on ne nous cache nullement ne serait-il pas suffisant pour lutter et trouver les outils adéquats pour la lutte ?

Le conspirationnisme ne pose en effet jamais cette question du savoir existant, savoir qui découle du vécu de chaque prolétaire, l’extorsion permanente de sa force de travail dans le rapport salarial ordinaire.

Nous avons derrière nous deux cent ans au moins de lutte des classes mondiale et mondialisée : quelles que soient les formes particulières qu’ait pris le capitalisme, le rapport social qui est à sa base n’a jamais changé. Le colosse aux pieds d’argile est toujours le même, et chacun d’entre nous, lorsqu’il fait grève, lorsqu’il bloque la production par divers moyen, prend conscience à l’échelle locale, nationale ou internationale de son infinie fragilité. Chacun dans les moments de rupture sociale qu’incarne l’acte le plus infime de la lutte de classe se rend compte de la puissance collective à laquelle il peut participer. Demain, si les prolétaires du monde entier le veulent, c’en est fini du capitalisme .

Cette réalité là s’appelle la conscience de classe. Et la formidable épopée du mouvement ouvrier des siècles passés, épopée qui a réuni des millions d’hommes et de femmes qui n’en savaient pas plus que nous et même beaucoup moins sur les régulations du marché et les mécanismes bancaires démontre que certes, le savoir est une arme, mais pas n’importe lequel.

Ce dont nous avons besoin c’est d’un savoir vivant et autonome, sur l’histoire de nos luttes, sur l’organisation concrète de la production et de l’exploitation salariale, sur la manière dont la résistance s’organise partout et tout le temps.

Vous êtes vous seulement demandé pourquoi, sur la loi de 73 ou sur les grands scandales bancaires, l’on trouve des articles somme toute aussi détaillés et complets sur Fdesouche que sur le Monde Diplomatique ou chez ATTAC ?

Non, ce n’est pas parce que les fascistes récupèrent ce qui serait à la base utile au camp des progressistes et de la lutte des classes.

C’est parce qu’au mieux, cela ne sert à rien et qu’au pire, malheureusement concrétisé , cela sert les intérêts du camp adverse, de deux manières.

Tout d’abord, cela permet de détourner la colère et l’énergie contre des cibles inaccessibles et symboliques : en cela le Front de Gauche , que vous soutenez, a réellement fait des miracles. Combien de rassemblements sans débouché ni dérangements pour la bourgeoisie devant les banques et les agences de notation, quand l’heure était évidemment au développement de mouvements sociaux concrets contre les patrons, à l’action concertée des usagers et des salariés dans les services publics menacés, à la coordination de tous les mouvements existants, non pas pour une centralisation vide d’efficacité, mais dans des stratégies réfléchies comparables à celles qui bloquaient la production pendant le mouvement des retraites.

Et en cette rentrée, c’est reparti pour un tour : vous voilà tous , de la direction de la CGT, à celle de tous les mouvements altermondialistes , et naturellement au Front de Gauche à appeler à centrer les mobilisations autour du vote du traité MES.

Bien sûr, une nouvelle fois, c’est aussi la campagne de rentrée de l’extrême-droite : et des deux côtés de l’échiquier, ça va pétitionner, ça va référender, ça va en appeler à la défense de la Nation menacée par la gouvernance transnationale…et naturellement laisser en paix quasi-totale notre bon patronat local qui de la plus petite PME à la plus grosse boite n’aura pas à craindre de mouvement d’ampleur si l’on ne doit compter que sur l’influence de la gauche « radicale ».

Luftmench

Cet article, publié dans Analyse, Presse alternative, est tagué , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.

14 commentaires pour Au sujet du Monde Diplo’

  1. Guy Liguili dit :

    « Demain, si les prolétaires du monde entier le veulent, c’en est fini du capitalisme . »
    Oui, comment de façon pratique ?

    • feudeprairie dit :

      Ça, il faudrait le demander directement à l’auteur.
      A titre personnel je pense que c’est une expression imagée. Une solide organisation et un travail de longue haleine sont nécessaires pour remplacer ce système, aussi décadent soit il.

      D.

  2. Thomas dit :

    Lordon ne parle que de la Finance (et donc de l’UE qui la promeut) parce que c’est son domaine de recherche. Croire qu’il pense du bien du MEDEF ou du capitalisme à la papa me semble plus être un procès d’intention. En revanche ses amitiés avec E. Chouard le conspi et ami de l’extrême-droite montre qu’il peut se faire berner comme n’importe quel quidam à gauche.

  3. FuckNazis dit :

    Cet article c’est aussi un peu du grand n’importe quoi… Faut connaitre ses ordres de priorite, les PME ne presentent aucun danger contre le proletariat, la petite bourgeoisie a souvent ete tiree des deux cotes en realite… Les ennemis de classe ca a toujours ete la grande bourgeoisie et elle est toujours transnationale… En fait je ne comprend meme pas la critique : on reproche au FdG d’organiser des rassemblements devant les agences de notations et les banquiers, qui sont les meilleurs armes et les meilleurs amis des patrons, mais de ne pas s’en prendre au patron ?
    C’est ridicule…

    • Nico37 dit :

      Les cadres et patrons de PME et petits commerçants sont ceux que nous avons en face lors des manifs antifa

  4. André Volt dit :

    « les PME ne presentent aucun danger contre le proletariat »
    Ben tiens, y’a du bon et du mauvais salariat maintenant ?

  5. C’est vraiment d’une indigence théorique confondante sur la pensée marxiste, ces reproches faits à Lordon comme les réponses de Volt et ses supporters. aux interpellations.
    Les théoriciens marxologues ont pointé que la contradiction originelle du Capitalisme est la contradiction Capital-Travail .
    Mais la contradiction qui conduira à la fin de capitalisme est celle qui existe entre l’état des forces productives et les rapports de production, et qui évolue dans le temps, conduisant à des situations de crise favorables aux révolutions .
    Les révoltes qui n’ont pas pris compte de ce second élément ont conduit à des révolutions ratées.(cf. Bourdieu sur le sujet):
    Ce fut le cas de la révolution de 1848 conduisant tout droit au coup d’État de Napoléon II le 2 décembre 1852. Ce fut le cas de la commune réprimée férocement en 1870. Ce fut le cas de 1968 ou les soixante-huitards les plus échevelés, tels Barjonet à Charléty, disaient que la situation était révolutionnaire: on a vu le résultat dans les élections législatives de juin et la chambre bleu horizon dont elles ont accouché.
    Et Volt qui apparait être l’auteur de ce texte ne veut s’en tenir qu’à la contradiction capital-travail et à la thèse que la lutte des travailleurs suffit à abattre le Capitalisme.
    Avant l’heure c’est pas l’heure camarade, mais personnellement je suis persuadé que les crises qui s’approfondissent au stade du Capitalisme financiarisé mondialisé conduisent droit à la situation révolutionnaire. Mais c’est évidemment plus compliqué de donner le coup fatal au système par l’intensification des luttes sociales et politiques dans un monde ou seul le capital et ses valets politiques sont unis mais pas encore le prolétariat.

  6. André Volt dit :

    C’est donner beaucoup d’importance à ma seule réponse puisque je ne suis évidemment pas l’auteur de cet article.
    Je signe quand j’écris quelque chose.

  7. Ping : Liste non exhaustive des sites conspirationnistes. | Les morbacks véners

  8. Aurel dit :

    Certaines propositions économiques du Front de gauche sont déconnectées des réalités. Vouloir tout prendre à partir de 30000 euros par mois (la réforme sur les gros revenus a déjà eu du mal à passer mais c’est fait) et aussi prôner en douce une relance de la consommation ça n’a rien de concrêt. Ce sont les boîtes du Cac 40 qui posent problème quand les grands patrons s’enrichissent pas avec actions et gros salaires pas les PME qui dans leur grande majorité qui investissent, embauchent et produisent!Le gouvernement actuel a déjà du mal pour les réformes économiques,

    • Nico37 dit :

      Quelle réforme sur les gros revenus ?
      Comment ça les PME ne posent pas problème ? T’as fait combien de boîtes dans ta vie, t’as déjà bossé dans la sous-traitance ?
      Socialisation des moyens de production !

  9. Ping : Liste non exhaustive des sites conspirationnistes et confusionnistes [VERSION 2015] | Les morbacks véners

  10. Ping : Liste non exhaustive des sites conspirationnistes et confusionnistes [VERSION 2015] | Collectif Antifasciste de Besançon

Laisser un commentaire